Flash DGSI : La procédure de Discovery - la pêche aux preuves
Ce « flash » de l’ingérence économique relate un fait dont une entreprise française a récemment été victime. Ayant vocation à illustrer la diversité des comportements offensifs susceptibles de viser les sociétés, il est mis à votre disposition pour vous accompagner dans la diffusion d’une culture de sécurité au sein de votre entreprise.
Vous êtes libres de le partager avec vos salariés.
Dans un souci de discrétion, le récit ne comporte aucune mention permettant d’identifier l’entreprise visée.
Pour toute question relative à ce « flash » ou si vous souhaitez nous contacter, merci de nous écrire à l’adresse :
securite-economique@interieur.gouv.fr
La procédure de "Discovery" peut induire un risque de déstabilisation
et/ou d'ingérence au détriment des entreprises françaises
De nombreuses sociétés françaises entretiennent des relations commerciales avec des entreprises anglo-saxonnes implantées en France. Toutefois, en cas de conflit, ces dernières sont tentées, de manière quasi-systématique, de porter le litige devant les juridictions de leur pays d'origine. Or, avant que l'affaire ne soit jugée au regard de la Common Law, il existe une phase d'investigation préalable à tout procès dite "Pre-trial discovery of documents". Cette procédure judiciaire impose aux parties de produire toutes les pièces en relation avec le litige, qu'elles leur soient ou non favorables. Ainsi, contrats et documents de toutes natures sont transmis à la partie adverse afin de délimiter l'objet du litige, facilitant ainsi la "pêche aux preuves".
Commentaires :
Les conséquences directes d'une telle procédure sont potentiellement considérables. La partie adverse, qui peut s'avérer être un concurrent direct de la société, entre ainsi en possession de tous types de documents - certes liés au litige - éventuellement susceptibles de lui fournir des informations précieuses sur l'organisation interne de l'entreprise attaquée, ses projets de développement et ses orientations stratégiques. En outre, plus la demande de "Discovery" est formulée en des termes vagues et génériques, moins les éléments de preuves recherchés auront un lien direct avec l'objet du litige. Les risques de transmission d'éléments d'informations sensibles, voire à caractère stratégique (procédés de fabrication, savoir-faire, stratégie commerciale de l'entreprise...) s'en trouvent donc accrus.
Face aux dangers inhérents à cette procédure du point de vue de la protection du patrimoine matériel et informationnel des entreprises visées, la communauté internationale a institué différentes contre-mesures :
- Signée en 1970, la Convention Internationale de la Haye encadre la communication entre Etats de preuves situées à l'étranger dans le cadre d'une procédure judiciaire nationale. A titre d'exemple, l'Etat où se déroule le litige peut demander, par voie de commission rogatoire, à l'autorité compétente de l'Etat du défendeur de procéder à tout acte d'instruction. L'autorité requise examinera l'existence avérée de liens précis et directs avec l'objet du litige et les documents sollicités devront être limitativement énumérés. Cette disposition permet de restreindre les effets du "Discovery", via le contrôle, par l'Etat, de l'opportunité de la transmission de certains éléments.
- L'Union Européenne oppose une limite à la procédure de "Discovery" grâce aux textes fondamentaux et à la directive relative à "la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation des données". Ces textes préviennent la transmission de nombreuses informations, alors que la communication imposée par "Discovery" se traduit parfois par la nécessité de transmettre le disque dur et/ou les données personnelles d'un salarié.
En dépit de l'existence de ce dispositif normatif, les juges anglo-saxons n'hésitent pas à privilégier la procédure de "Discovery", au détriment du droit international. Lors de la signature de la Convention de la Haye, les Etats-Unis ont ainsi fait valoir une réserve sur l'utilisation des commissions rogatoires en lieu et place de la procédure. Conscient des risques de contournement de la Convention de 1970, le législateur français a alors adopté la loi n°80-538 du 16 juillet 1980, dite "loi de blocage".
Ce texte interdit à toute personne de transmettre, sous réserve des conventions internationales, des renseignements économiques susceptibles d'être utilisés dans le cadre d'une procédure à l'étranger, sous peine de sanctions pénales. La menace de sanctions devait servir de justification aux entreprises françaises pour ne pas répondre aux obligations de la procédure de "Discovery". Pourtant, dès 1987, la Cour Suprême des Etats-Unis, dans un arrêt "Société nationale industrielle aérospatiale v. United States District Court", jugeait que la Convention de La Haye et la loi de 1980 ne privaient pas une juridiction américaine du pouvoir "d'ordonner à une partie relevant de sa juridiction de produire des preuves, quand bien même cette production pourait constituer une violation de cette disposition".
Par une décision "National Grid Electricity" du 11 avril 2013, la Haute Cour de Justice d'Angleterre et du Pays de Galles a, en utilisant des moyens similaires, écarté l'application de la loi de blocage. Le juge britannique a notamment considéré que la probabilité de poursuites pénales était très faible, soulignant l'absence de toute condamnation en France sur le fondement de ce texte, à l'exception d'une seule affaire, jugée trop particulière pour être pertinente. Aux yeux des juridictions étrangères, le fait que la loi française ne parvienne pas à s'imposer comme un véritable texte répressif a anéanti sa capacité à constituer une voie de défense crédible. Elle ne crée donc plus d'obstacle sérieux à la transmission de documents.
S'opposer à la mise en oeuvre de la procédure de "Discovery" demeure, en pratique, difficile et dangereux pour les entreprises attaquées. Les sanctions encourues, fortement dissuasives, peuvent consister en un jugement défavorable, des sanctions pécuniaires contre l'auteur du refus, des poursuites pour obstruction et outrage au tribunal, voire une interdiction de toute activité sur le territoire de l'Etat d'origine de la procédure judiciaire.
Dans ce contexte, un projet de directive poursuivant l'objectif d'accroitre la protection des entreprises européennes contre l'espionnage économique est actuellement à l'étude. L'Union Européenne a rappelé à cette occasion que la proportion d'entreprises, en Europe, ayant fait l'objet état d'au moins un vol d'informations subi dans l'année, était passée de 18 à 25% entre 2012 et 2013.
Préconisations :
Les démarches suivantes sont recommandées à toute entreprise susceptible de faire l'objet d'une procédure de "Discovery" dans le cadre d'un conflit judiciaire :
- Anticiper les problèmes liés à une procédure de "Discovery" en insérant une clause de juridiction dans les conventions commerciales. Avec l'appui et les conseils de leurs avocats lors des négociations contractuelles, les entreprises françaises pourront obtenir que seule la loi française s'applique au contrat et que seules les juridictions françaises soient compétentes en cas de litige. Ceci sans préjudice, bien entendu, de la tendance des juges anglo-saxons à se déclarer compétents en dépit des dispositions légales et contractuelles existantes.
- En cas de déclenchement effectif d'une procédure, se rapprocher du représentant local de la DGSI, des chargés de mission régionaux à l'intelligence économique (CRIE) relevant des DIRECCTE; à défaut des services préfectoraux les plus proches.
- En pratique, la procédure américaine aboutit régulièrement à une transaction financière, souvent élevée, au détriment de la partie attaquée. Les protagonistes n'ont alors plus à aller devant le juge et évitent la publicité d'un procès. A cet égard, la France s'est dotée récemment d'un outil juridique, s'inspirant de la procédure de "Discovery", pour parvenir à un accord (et non à une transaction) amiable. Par le décret n°2012-66 du 20 janvier 2012 sur la résolution amiable des différends en dehors d'une procédure judiciaire, les entreprises françaises peuvent désormais recourir, en cas de litige, à une convention de procédure participative. Ce mode de règlement amiable des différends permet d'en délimiter immédiatement l'objet, d'énumérer les pièces et les informations nécessaires à leur résolution, et de préciser les modalités des échanges.
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securite-economique@interieur.gouv.fr
La procédure de "Discovery" peut induire un risque de déstabilisation
et/ou d'ingérence au détriment des entreprises françaises
De nombreuses sociétés françaises entretiennent des relations commerciales avec des entreprises anglo-saxonnes implantées en France. Toutefois, en cas de conflit, ces dernières sont tentées, de manière quasi-systématique, de porter le litige devant les juridictions de leur pays d'origine. Or, avant que l'affaire ne soit jugée au regard de la Common Law, il existe une phase d'investigation préalable à tout procès dite "Pre-trial discovery of documents". Cette procédure judiciaire impose aux parties de produire toutes les pièces en relation avec le litige, qu'elles leur soient ou non favorables. Ainsi, contrats et documents de toutes natures sont transmis à la partie adverse afin de délimiter l'objet du litige, facilitant ainsi la "pêche aux preuves".
Commentaires :
Les conséquences directes d'une telle procédure sont potentiellement considérables. La partie adverse, qui peut s'avérer être un concurrent direct de la société, entre ainsi en possession de tous types de documents - certes liés au litige - éventuellement susceptibles de lui fournir des informations précieuses sur l'organisation interne de l'entreprise attaquée, ses projets de développement et ses orientations stratégiques. En outre, plus la demande de "Discovery" est formulée en des termes vagues et génériques, moins les éléments de preuves recherchés auront un lien direct avec l'objet du litige. Les risques de transmission d'éléments d'informations sensibles, voire à caractère stratégique (procédés de fabrication, savoir-faire, stratégie commerciale de l'entreprise...) s'en trouvent donc accrus.
Face aux dangers inhérents à cette procédure du point de vue de la protection du patrimoine matériel et informationnel des entreprises visées, la communauté internationale a institué différentes contre-mesures :
- Signée en 1970, la Convention Internationale de la Haye encadre la communication entre Etats de preuves situées à l'étranger dans le cadre d'une procédure judiciaire nationale. A titre d'exemple, l'Etat où se déroule le litige peut demander, par voie de commission rogatoire, à l'autorité compétente de l'Etat du défendeur de procéder à tout acte d'instruction. L'autorité requise examinera l'existence avérée de liens précis et directs avec l'objet du litige et les documents sollicités devront être limitativement énumérés. Cette disposition permet de restreindre les effets du "Discovery", via le contrôle, par l'Etat, de l'opportunité de la transmission de certains éléments.
- L'Union Européenne oppose une limite à la procédure de "Discovery" grâce aux textes fondamentaux et à la directive relative à "la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation des données". Ces textes préviennent la transmission de nombreuses informations, alors que la communication imposée par "Discovery" se traduit parfois par la nécessité de transmettre le disque dur et/ou les données personnelles d'un salarié.
En dépit de l'existence de ce dispositif normatif, les juges anglo-saxons n'hésitent pas à privilégier la procédure de "Discovery", au détriment du droit international. Lors de la signature de la Convention de la Haye, les Etats-Unis ont ainsi fait valoir une réserve sur l'utilisation des commissions rogatoires en lieu et place de la procédure. Conscient des risques de contournement de la Convention de 1970, le législateur français a alors adopté la loi n°80-538 du 16 juillet 1980, dite "loi de blocage".
Ce texte interdit à toute personne de transmettre, sous réserve des conventions internationales, des renseignements économiques susceptibles d'être utilisés dans le cadre d'une procédure à l'étranger, sous peine de sanctions pénales. La menace de sanctions devait servir de justification aux entreprises françaises pour ne pas répondre aux obligations de la procédure de "Discovery". Pourtant, dès 1987, la Cour Suprême des Etats-Unis, dans un arrêt "Société nationale industrielle aérospatiale v. United States District Court", jugeait que la Convention de La Haye et la loi de 1980 ne privaient pas une juridiction américaine du pouvoir "d'ordonner à une partie relevant de sa juridiction de produire des preuves, quand bien même cette production pourait constituer une violation de cette disposition".
Par une décision "National Grid Electricity" du 11 avril 2013, la Haute Cour de Justice d'Angleterre et du Pays de Galles a, en utilisant des moyens similaires, écarté l'application de la loi de blocage. Le juge britannique a notamment considéré que la probabilité de poursuites pénales était très faible, soulignant l'absence de toute condamnation en France sur le fondement de ce texte, à l'exception d'une seule affaire, jugée trop particulière pour être pertinente. Aux yeux des juridictions étrangères, le fait que la loi française ne parvienne pas à s'imposer comme un véritable texte répressif a anéanti sa capacité à constituer une voie de défense crédible. Elle ne crée donc plus d'obstacle sérieux à la transmission de documents.
S'opposer à la mise en oeuvre de la procédure de "Discovery" demeure, en pratique, difficile et dangereux pour les entreprises attaquées. Les sanctions encourues, fortement dissuasives, peuvent consister en un jugement défavorable, des sanctions pécuniaires contre l'auteur du refus, des poursuites pour obstruction et outrage au tribunal, voire une interdiction de toute activité sur le territoire de l'Etat d'origine de la procédure judiciaire.
Dans ce contexte, un projet de directive poursuivant l'objectif d'accroitre la protection des entreprises européennes contre l'espionnage économique est actuellement à l'étude. L'Union Européenne a rappelé à cette occasion que la proportion d'entreprises, en Europe, ayant fait l'objet état d'au moins un vol d'informations subi dans l'année, était passée de 18 à 25% entre 2012 et 2013.
Préconisations :
Les démarches suivantes sont recommandées à toute entreprise susceptible de faire l'objet d'une procédure de "Discovery" dans le cadre d'un conflit judiciaire :
- Anticiper les problèmes liés à une procédure de "Discovery" en insérant une clause de juridiction dans les conventions commerciales. Avec l'appui et les conseils de leurs avocats lors des négociations contractuelles, les entreprises françaises pourront obtenir que seule la loi française s'applique au contrat et que seules les juridictions françaises soient compétentes en cas de litige. Ceci sans préjudice, bien entendu, de la tendance des juges anglo-saxons à se déclarer compétents en dépit des dispositions légales et contractuelles existantes.
- En cas de déclenchement effectif d'une procédure, se rapprocher du représentant local de la DGSI, des chargés de mission régionaux à l'intelligence économique (CRIE) relevant des DIRECCTE; à défaut des services préfectoraux les plus proches.
- En pratique, la procédure américaine aboutit régulièrement à une transaction financière, souvent élevée, au détriment de la partie attaquée. Les protagonistes n'ont alors plus à aller devant le juge et évitent la publicité d'un procès. A cet égard, la France s'est dotée récemment d'un outil juridique, s'inspirant de la procédure de "Discovery", pour parvenir à un accord (et non à une transaction) amiable. Par le décret n°2012-66 du 20 janvier 2012 sur la résolution amiable des différends en dehors d'une procédure judiciaire, les entreprises françaises peuvent désormais recourir, en cas de litige, à une convention de procédure participative. Ce mode de règlement amiable des différends permet d'en délimiter immédiatement l'objet, d'énumérer les pièces et les informations nécessaires à leur résolution, et de préciser les modalités des échanges.
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Flash DGSI : La procédure de Discovery - la pêche aux preuves
2015-06-09 23:29:23
lesingenieurs.net
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2015-06-09 23:29:23
2015-06-09 23:13:24
Chan-Thaï LAM
Ce « flash » de l’ingérence économique relate un fait dont une entreprise française a récemment été victime. Ayant vocation à illustrer la diversité des comportements offensifs susceptibles de viser les sociétés, il est mis à votre disposition pour vous accompagner dans la diffusion d’une culture de sécurité au sein de votre entreprise.
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Dans un souci de discrétion, le récit ne comporte aucune mention permettant d’identifier l’entreprise visée.
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et/ou d'ingérence au détriment des entreprises françaises
De nombreuses sociétés françaises entretiennent des relations commerciales avec des entreprises anglo-saxonnes implantées en France. Toutefois, en cas de conflit, ces dernières sont tentées, de manière quasi-systématique, de porter le litige devant les juridictions de leur pays d'origine. Or, avant que l'affaire ne soit jugée au regard de la Common Law, il existe une phase d'investigation préalable à tout procès dite "Pre-trial discovery of documents". Cette procédure judiciaire impose aux parties de produire toutes les pièces en relation avec le litige, qu'elles leur soient ou non favorables. Ainsi, contrats et documents de toutes natures sont transmis à la partie adverse afin de délimiter l'objet du litige, facilitant ainsi la "pêche aux preuves".
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Les conséquences directes d'une telle procédure sont potentiellement considérables. La partie adverse, qui peut s'avérer être un concurrent direct de la société, entre ainsi en possession de tous types de documents - certes liés au litige - éventuellement susceptibles de lui fournir des informations précieuses sur l'organisation interne de l'entreprise attaquée, ses projets de développement et ses orientations stratégiques. En outre, plus la demande de "Discovery" est formulée en des termes vagues et génériques, moins les éléments de preuves recherchés auront un lien direct avec l'objet du litige. Les risques de transmission d'éléments d'informations sensibles, voire à caractère stratégique (procédés de fabrication, savoir-faire, stratégie commerciale de l'entreprise...) s'en trouvent donc accrus.
Face aux dangers inhérents à cette procédure du point de vue de la protection du patrimoine matériel et informationnel des entreprises visées, la communauté internationale a institué différentes contre-mesures :
- Signée en 1970, la Convention Internationale de la Haye encadre la communication entre Etats de preuves situées à l'étranger dans le cadre d'une procédure judiciaire nationale. A titre d'exemple, l'Etat où se déroule le litige peut demander, par voie de commission rogatoire, à l'autorité compétente de l'Etat du défendeur de procéder à tout acte d'instruction. L'autorité requise examinera l'existence avérée de liens précis et directs avec l'objet du litige et les documents sollicités devront être limitativement énumérés. Cette disposition permet de restreindre les effets du "Discovery", via le contrôle, par l'Etat, de l'opportunité de la transmission de certains éléments.
- L'Union Européenne oppose une limite à la procédure de "Discovery" grâce aux textes fondamentaux et à la directive relative à "la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation des données". Ces textes préviennent la transmission de nombreuses informations, alors que la communication imposée par "Discovery" se traduit parfois par la nécessité de transmettre le disque dur et/ou les données personnelles d'un salarié.
En dépit de l'existence de ce dispositif normatif, les juges anglo-saxons n'hésitent pas à privilégier la procédure de "Discovery", au détriment du droit international. Lors de la signature de la Convention de la Haye, les Etats-Unis ont ainsi fait valoir une réserve sur l'utilisation des commissions rogatoires en lieu et place de la procédure. Conscient des risques de contournement de la Convention de 1970, le législateur français a alors adopté la loi n°80-538 du 16 juillet 1980, dite "loi de blocage".
Ce texte interdit à toute personne de transmettre, sous réserve des conventions internationales, des renseignements économiques susceptibles d'être utilisés dans le cadre d'une procédure à l'étranger, sous peine de sanctions pénales. La menace de sanctions devait servir de justification aux entreprises françaises pour ne pas répondre aux obligations de la procédure de "Discovery". Pourtant, dès 1987, la Cour Suprême des Etats-Unis, dans un arrêt "Société nationale industrielle aérospatiale v. United States District Court", jugeait que la Convention de La Haye et la loi de 1980 ne privaient pas une juridiction américaine du pouvoir "d'ordonner à une partie relevant de sa juridiction de produire des preuves, quand bien même cette production pourait constituer une violation de cette disposition".
Par une décision "National Grid Electricity" du 11 avril 2013, la Haute Cour de Justice d'Angleterre et du Pays de Galles a, en utilisant des moyens similaires, écarté l'application de la loi de blocage. Le juge britannique a notamment considéré que la probabilité de poursuites pénales était très faible, soulignant l'absence de toute condamnation en France sur le fondement de ce texte, à l'exception d'une seule affaire, jugée trop particulière pour être pertinente. Aux yeux des juridictions étrangères, le fait que la loi française ne parvienne pas à s'imposer comme un véritable texte répressif a anéanti sa capacité à constituer une voie de défense crédible. Elle ne crée donc plus d'obstacle sérieux à la transmission de documents.
S'opposer à la mise en oeuvre de la procédure de "Discovery" demeure, en pratique, difficile et dangereux pour les entreprises attaquées. Les sanctions encourues, fortement dissuasives, peuvent consister en un jugement défavorable, des sanctions pécuniaires contre l'auteur du refus, des poursuites pour obstruction et outrage au tribunal, voire une interdiction de toute activité sur le territoire de l'Etat d'origine de la procédure judiciaire.
Dans ce contexte, un projet de directive poursuivant l'objectif d'accroitre la protection des entreprises européennes contre l'espionnage économique est actuellement à l'étude. L'Union Européenne a rappelé à cette occasion que la proportion d'entreprises, en Europe, ayant fait l'objet état d'au moins un vol d'informations subi dans l'année, était passée de 18 à 25% entre 2012 et 2013.
Préconisations :
Les démarches suivantes sont recommandées à toute entreprise susceptible de faire l'objet d'une procédure de "Discovery" dans le cadre d'un conflit judiciaire :
- Anticiper les problèmes liés à une procédure de "Discovery" en insérant une clause de juridiction dans les conventions commerciales. Avec l'appui et les conseils de leurs avocats lors des négociations contractuelles, les entreprises françaises pourront obtenir que seule la loi française s'applique au contrat et que seules les juridictions françaises soient compétentes en cas de litige. Ceci sans préjudice, bien entendu, de la tendance des juges anglo-saxons à se déclarer compétents en dépit des dispositions légales et contractuelles existantes.
- En cas de déclenchement effectif d'une procédure, se rapprocher du représentant local de la DGSI, des chargés de mission régionaux à l'intelligence économique (CRIE) relevant des DIRECCTE; à défaut des services préfectoraux les plus proches.
- En pratique, la procédure américaine aboutit régulièrement à une transaction financière, souvent élevée, au détriment de la partie attaquée. Les protagonistes n'ont alors plus à aller devant le juge et évitent la publicité d'un procès. A cet égard, la France s'est dotée récemment d'un outil juridique, s'inspirant de la procédure de "Discovery", pour parvenir à un accord (et non à une transaction) amiable. Par le décret n°2012-66 du 20 janvier 2012 sur la résolution amiable des différends en dehors d'une procédure judiciaire, les entreprises françaises peuvent désormais recourir, en cas de litige, à une convention de procédure participative. Ce mode de règlement amiable des différends permet d'en délimiter immédiatement l'objet, d'énumérer les pièces et les informations nécessaires à leur résolution, et de préciser les modalités des échanges.
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